Jeudi 28 Avril 2022
Evolution de la langue allemande dans le recrutement en région frontalière
"GRANDE RÉGION - RHIN SUPÉRIEUR
« L'anglais supplante l'allemand dans le recrutement de cadres »
Mathieu Weinborn, consultant au cabinet de recrutement Walter
Consultant au cabinet de ressources humaines Walter implanté à Metz, Nancy, Strasbourg et Colmar, Mathieu Weinborn observe le recul du critère de la maîtrise de l'allemand au profit de l'anglais dans l'embauche des managers et cadres de filiales françaises de sociétés allemandes, suisses, ou autrichiennes.
Le critère de la maîtrise de l'allemand a-t-il perdu de son importance dans les recrutements dans les filiales de groupes de l'espace germanique ?
Dans notre cible d'activité - le recrutement de cadres de direction et d'experts de leurs métiers dans les entreprises et notamment l'industrie - nous observons effectivement le recul de ce prérequis. C'est d'abord un effet du renouvellement des générations en Allemagne : les Allemands sont devenus plus anglophones et les sociétés qui les emploient se sont internationalisées, au point que l'anglais est devenu leur langue de travail (1). Lorsque le poste est basé en France, ce critère s'estompe et la pratique de l'anglais le supplante.
Il subsiste des exceptions pour les emplois qui impliquent une présence physique outre-Rhin, par exemple l'ingénieur technico-commercial chargé de développer du business en Allemagne. De même, dans les services achats, lorsque les fournisseurs sont germanophones, l'échange devient vite technique et la maîtrise de ce vocabulaire dans la langue du client est précieuse.
Un atout pour la promotion
Parler allemand demeure-t-il un atout pour être embauché, ou pour progresser dans l'entreprise ?
Cela reste un élément de différenciation, moins pour l'expertise dans le métier que dans la facilitation des échanges quotidiens avec les collègues. Certes, l'anglais est omniprésent dans le reporting, les documents officiels et les réunions au siège de la maison-mère. Mais dans ces rencontres, la discussion spontanée peut basculer assez vite en allemand et parler cette langue aide à casser les barrières. Maîtriser l'allemand contribue à monter dans la hiérarchie. C'est la posture qu'adoptent un certain nombre des candidats que nous voyons passer : ils apprennent l'allemand ou le perfectionnent de leur propre initiative pour améliorer leur employabilité. Enfin, nous avons rencontré récemment le cas, assez particulier, du recrutement d'un candidat français parfaitement germanophone pour la direction de production d'un site en Suisse voisine, alémanique.
Voyez-vous quelques « poches » dans le Grand Est où la maîtrise de l'allemand en entreprise est encore forte ?
On la trouve notamment en Alsace du Nord, pas seulement chez les plus de 45 ans mais aussi chez les trentenaires… mais ils utilisent surtout cet atout pour chercher à travailler en Allemagne. Il en va de même dans l'Est de la Moselle, voire dans l'extrémité sud de l'Alsace, dans la zone des Trois Frontières et le Sundgau.
Le recul généralisé de l'allemand fragilise-t-il l'ancrage d'entreprises germanophones dans le Grand Est ?
Nous constatons une certaine recentralisation des prises de décision au sein des maisons-mères. Auraient-elles moins confiance en un management ne parlant que français voire anglais ? Je me pose la question, mais je n'ai pas la prétention de détenir la réponse.
(1) Ce point est confirmé par plusieurs entreprises en Alsace interrogées par Voisins-Nachbarn : Hager, Wienerberger, Burkert "
Interview réalisée le 7 avril 2022 par le site d'information transfrontalier Voisins-Nachbarn - lien vers l'article
« L'anglais supplante l'allemand dans le recrutement de cadres »
Mathieu Weinborn, consultant au cabinet de recrutement Walter
Consultant au cabinet de ressources humaines Walter implanté à Metz, Nancy, Strasbourg et Colmar, Mathieu Weinborn observe le recul du critère de la maîtrise de l'allemand au profit de l'anglais dans l'embauche des managers et cadres de filiales françaises de sociétés allemandes, suisses, ou autrichiennes.
Le critère de la maîtrise de l'allemand a-t-il perdu de son importance dans les recrutements dans les filiales de groupes de l'espace germanique ?
Dans notre cible d'activité - le recrutement de cadres de direction et d'experts de leurs métiers dans les entreprises et notamment l'industrie - nous observons effectivement le recul de ce prérequis. C'est d'abord un effet du renouvellement des générations en Allemagne : les Allemands sont devenus plus anglophones et les sociétés qui les emploient se sont internationalisées, au point que l'anglais est devenu leur langue de travail (1). Lorsque le poste est basé en France, ce critère s'estompe et la pratique de l'anglais le supplante.
Il subsiste des exceptions pour les emplois qui impliquent une présence physique outre-Rhin, par exemple l'ingénieur technico-commercial chargé de développer du business en Allemagne. De même, dans les services achats, lorsque les fournisseurs sont germanophones, l'échange devient vite technique et la maîtrise de ce vocabulaire dans la langue du client est précieuse.
Un atout pour la promotion
Parler allemand demeure-t-il un atout pour être embauché, ou pour progresser dans l'entreprise ?
Cela reste un élément de différenciation, moins pour l'expertise dans le métier que dans la facilitation des échanges quotidiens avec les collègues. Certes, l'anglais est omniprésent dans le reporting, les documents officiels et les réunions au siège de la maison-mère. Mais dans ces rencontres, la discussion spontanée peut basculer assez vite en allemand et parler cette langue aide à casser les barrières. Maîtriser l'allemand contribue à monter dans la hiérarchie. C'est la posture qu'adoptent un certain nombre des candidats que nous voyons passer : ils apprennent l'allemand ou le perfectionnent de leur propre initiative pour améliorer leur employabilité. Enfin, nous avons rencontré récemment le cas, assez particulier, du recrutement d'un candidat français parfaitement germanophone pour la direction de production d'un site en Suisse voisine, alémanique.
Voyez-vous quelques « poches » dans le Grand Est où la maîtrise de l'allemand en entreprise est encore forte ?
On la trouve notamment en Alsace du Nord, pas seulement chez les plus de 45 ans mais aussi chez les trentenaires… mais ils utilisent surtout cet atout pour chercher à travailler en Allemagne. Il en va de même dans l'Est de la Moselle, voire dans l'extrémité sud de l'Alsace, dans la zone des Trois Frontières et le Sundgau.
Le recul généralisé de l'allemand fragilise-t-il l'ancrage d'entreprises germanophones dans le Grand Est ?
Nous constatons une certaine recentralisation des prises de décision au sein des maisons-mères. Auraient-elles moins confiance en un management ne parlant que français voire anglais ? Je me pose la question, mais je n'ai pas la prétention de détenir la réponse.
(1) Ce point est confirmé par plusieurs entreprises en Alsace interrogées par Voisins-Nachbarn : Hager, Wienerberger, Burkert "
Interview réalisée le 7 avril 2022 par le site d'information transfrontalier Voisins-Nachbarn - lien vers l'article